mardi 19 janvier 2010

Derniers entretiens (1)

Voici un florilège de ces derniers entretiens. Il ne pouvait pas parler longtemps ; il lui fallait être bref, mais tout ce qu’il disait avait nature d’ensemencement et constituait comme un catalyseur pour les auditeurs. C’était le Grand Au-Delà qui parlait, et non un frêle vieillard entre les griffes de la mort !

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Cela fait maintenant (juin 1981) quinze jours que Maharaj ne peut plus s’adresser aux visiteurs avec sa vivacité coutumière. Sur la requête pressante d’un grand nombre d’entre nous, il a accepté que les entretiens soient limités à une demi-heure, et c’est tout aussi bien car même ces trente minutes de paroles sont si épuisantes pour lui, qu’il ne peut même plus tenir assis lorsqu’elles s’achèvent.

Les paroles de Maharaj, pour être moins abondantes, n’en sont que plus fécondes. Il dit que sa faiblesse physique l’empêche d’élaborer ce qu’il désire transmettre. C’est là une sorte de « bénédiction déguisée », ajoute-t-il. Car maintenant, les visiteurs vont devoir prêter d’avantage attention à ce qu’il dit, sans laisser leur esprit vagabonder ; et ils vont aussi devoir se livrer par eux-mêmes à une certaine réflexion !

De nombreux visiteurs, face à son extrême faiblesse physique, restreignent désormais leurs questions au minimum bien que Maharaj les presse d’éclaircir leurs difficultés. « Il reste si peu de temps maintenant », les exhorte-t-il.

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Un matin, un habitué, cherchant peut-être à détourner l’esprit de Maharaj de sa souffrance physique, commença à parler de divers sujets et à poser des questions relativement superficielles. Maharaj, bien sûr, ne tarda pas à voir au travers de son jeu et se redressa dans son fauteuil. « Je sais ce que vous êtes en train d’essayer de faire, dit-il, mais vous oubliez que je ne suis pas ce que vous pensez que je suis. Je ne souffre pas ; je ne peux pas souffrir car je ne suis pas un objet. Bien sûr, il y a souffrance. Mais réalisez-vous ce qu’est la souffrance ? Je suis la souffrance. Quoi qu’il soit manifesté, j’en suis le fonctionnement. Quoi qu’il soit perceptible, j’en suis le percevoir. Quoi qu’il soit fait, j’en suis le faire ; je suis cela qui fait et, comprenez bien cela, je suis aussi ce qui est fait. En fait, je suis le fonctionnement total.

Si vous avez a-perçu cela, vous n’avez pas besoin d’en savoir plus. Ceci est la Vérité. Mais le mot significatif, dans cette phrase, c’est : « a-perçu ». Ce que j’ai dit, je l’ai dit pour moi-même. Mais si vous avez a-perçu cela, vous pouvez aussi dire la même chose. Vous et moi ne sommes pas deux, mais la même Unicité Absolue.

Si cette aperception prévaut, il vous sera tout simplement impossible d’avoir un quelconque différend avec qui que ce soit, peu importe que cette personne fait ou ne fait pas. Pourquoi ? Parce que vous aurez alors réalisé que quoi qu’il se produise, cela fait partie du fonctionnement global dans la conscience et qu’aucun objet manifesté (c’est à dire une simple apparition dans la conscience d’un tiers) ne saurait posséder la moindre autonomie d’existence ou de volonté d’action. Réfléchissez profondément à cela ».

Ramesh Balsekar, Les Orients de l'être, Ed. du Relié

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